top of page

Une thérapie : où ça commence? Où ça finit?




"Le chemin spirituel n'est pas une ligne droite, c'est une spirale. Vous retournez constamment vers des choses que vous pensiez avoir comprises, pour y découvrir une réalité encore plus profonde"

Barry H. Gillespie


Je me souviens du jour où ça a commencé : j'ai formulé pour la première fois ma demande d'aide en thérapie. C'était très clair. Cette fois, il ne s'agissait pas d'une énième plainte ou d'un espoir de réconfort amical. C'était une demande concrète: adressée à un professionnel. Celui qui méritait ma confiance, qui m'avait été recommandé, celui que j'avais choisi pour me montrer une voie invisible à mes yeux seuls. Celui ou celle qui avait ce que je n'avais pas. Le croyais-je du moins.


Souvent se pose la question de l'efficacité: si ça "marche" je continue et quand j'ai l'impression de stagner, l'idée de suspendre ou d'arrêter se présente. "Est-ce que ça marche pour tout le monde?" Me demande-t-on.

Et surtout j'entends : "Est-ce que ça marchera pour moi?"


Je comprends la peur qu'une thérapie dure trop longtemps, qu'elle ne fonctionne pas aussi bien que pour les autres. Cette observation souvent inquiète : l'autre va mieux, l'autre a compris. Il va bien lui! Et cette femme et cet homme juste là! Cette observation nourrit bien souvent un sentiment d'infériorité et d'impuissance. Quelle douleur...


"- J'ai le sentiment que toute ma vie dépend de cet instant précis. Si je le rate...

- Moi je pense le contraire. Si on rate ce moment, on essaie celui d'après, et si on échoue on recommence l'instant suivant. On a toute la vie pour réussir."

L'écume des jours Boris Vian


Même après plusieurs découvertes sur soi, certains s'écrient encore "Tout ce temps passé en thérapie et j'en suis toujours là!": et de nouveau, tombent dans le même trou. Le même mécanisme opère : un passage à vide, une douleur peuvent raviver un sentiment d'échec. Et j'ai envie de le rappeler à chacun d'entre nous qui doute, surtout en ces temps où la démonstration de notre bonheur devient si courante: "Ce n'est pas l'harmonie qui relie le cœur des hommes. Ce qui les relie bien plus profondément, c'est ce qui se transmet d'une blessure à une autre, d'une fragilité à une autre." Haruki Murakami


L'idée d'une vie sans souffrance est une illusion. Elle fait beaucoup de dégâts. Dont le premier est de se perdre dans l'attente que toute une vie se déroule sans heurt. L'idéal de perfection est si soutenu! Que ce soit dans les médias, les messages qui se partagent autour de nous : la culture d'une productivité absolue nous ordonne de réparer nos défauts. D'en faire toujours plus. D'aller plus loin, plus vite et d'aller mieux.


Le bien-être devient un objectif absolu et se sentir éprouver le blues vient culpabiliser nos âmes sensibles. Et voilà comment les promesses du développement personnel peuvent contribuer à faire ressentir un état de manque. Voilà également comment, dans un déroulé normal du fil des jours, le doute de n'avoir pas suffisamment "bien avancé" peut venir alourdir notre humeur et griser encore un peu plus notre journée. Certains se gargarisent de leur réussite spirituelle, professionnelle, économique ou sociale sur les réseaux. Et dans une ère où tout se montre et se voit, les plus sensibles en bavent et doutent chaque fois un peu plus d'eux-mêmes et de leur chemin. Et ils se disent qu'ils ont tout raté, même leur thérapie...


"Le désir c'est essayer d'obtenir de plus en plus d'objets extérieurs de façon à combler le sentiment d'être limité. Aussi les désirs doivent-ils être satisfaits autant que possible entièrement jusqu'à ce que vous sentiez : " Non, maintenant, pas davantage." En même temps, vous devez sentir qu'aucun désir ne peut être complètement satisfait." Svami Prajnanpad


Donc bien sûr, le désir de se sentir mieux et de devenir un être meilleur et accompli est fort et témoigne de notre feu intérieur, mais l'avidité du toujours plus et la comparaison nous retirent notre capacité à nous poser tranquillement là où nous en sommes parfois.


Je pense que dans cet espace de compréhension et de soin de soi et de l'autre, nous pouvons partager cette humanité qui nous lie les uns aux autres. Et se poser dans cet instant, le rendre acceptable avec sollicitude, bienveillance et compassion constitue l'essence d'une thérapie qui s'étalera dans le temps nécessaire et juste à chacun.




L'histoire de la cruche et du porteur d'eau


En Chine, un porteur d’eau possédait deux grosses cruches, chacune d’elle pendante aux extrémités d’une solide perche qu’il portait sur ses épaules.


L’une des cruches était fêlée, tandis que l’autre était parfaite et livrait toujours une pleine portion d’eau.


À la fin de la longue marche du ruisseau à la maison, la cruche fêlée arrivait toujours à moitié pleine. Tout se passa ainsi, jour après jour, pendant deux années entières où le Porteur livrait seulement une cruche et demi d’eau à sa maison.


Évidemment, la cruche qui était sans faille se montrait très fière de son travail parfaitement accompli. Mais la pauvre cruche fêlée était honteuse de son imperfection, et misérable du fait qu’elle ne pouvait accomplir que la moitié de ce qu’elle était supposé produire.


Après ces deux années de ce qu’elle percevait comme étant une faillite totale de sa part , un jour, près du ruisseau, elle s’adressa au Porteur d’eau , « J’ai honte de moi-même, et à cause de cette fêlure à mon côté qui laisse fuir l’eau tout au long du parcours lors de notre retour à votre demeure. »


Le Porteur s’adressa à la cruche, « As-tu remarqué qu’il y avait des fleurs seulement que de ton côté du sentier, et non sur le côté de l’autre cruche?

C’est que j’ai toujours été conscient de ta fêlure, et j’ai planté des semences de jolies fleurs seulement de ton côté du sentier, et chaque jour durant notre retour, tu les as arrosées.

Durant ces deux années j’ai pu cueillir ces jolies fleurs pour décorer notre table. Si tu n’avais pas été comme tu l’es, nous n’aurions jamais eu cette beauté qui a égayé notre maison »




Pour aller plus loin

📖 LIRE - Aimer - Thich Nhât Hanh


🎧 ÉCOUTER (deux morceaux cette fois) parce que...

Forget your perfect offering

There is a crack, a crack in everything

That's how the light gets in

Let's ring the bell that still can ring







- India Arie "I am light"





Comments


bottom of page