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Qui êtes vous?



"Devenez qui vous êtes et faites-le exprès." Dolly Parton



Dans l'écrin d'un dimanche soir, allumer une bougie, écouter le vent derrière les fenêtres et s'arrêter.

Être le meilleur pour soi, revenir, se centrer.

Tout au fond: soi. Pas l'autre, ni les autres, juste soi et enfin revenir...


Ce soir je me questionne et m'amuse de cette réplique si célèbre: "Qui suis-je?" Et je me vois vous poser la question, à vous qui venez me voir. Tout au long de nos rencontres, je vous écoute, je vous regarde "attentionément" et j'entends. Au delà des mots, je sens derrière les dires, les sentiments. En corps et encore.


Et je reviens à moi, entre les sons feutrés d'un appartement qui crépite.


"Je ne suis ni mes pensées, ni mes émotions, ni mes perceptions sensorielles, ni mes expériences. Je ne suis pas le contenu de ma vie. Je suis la Vie. Je suis l’espace dans lequel tout se produit. Je suis la conscience. Je suis le Présent. Je Suis."

-Eckhart Tolle


Et pourtant... Bien souvent, pour certains le présent est une longue période de fixation : certains ont l'impression de stagner. Nombreux sont ceux qui se plaignent d'immobilisme, d'ennui, de vide et d'un manque d'allant. Et ces phases peuvent durer plus ou moins longtemps, avec une intensité variable. D'une légère lassitude à un profond désarroi, l'interrogation sur le sens de notre existence dans de telles circonstances constitue un motif de consultation.


Qu'est-ce que je fais là? A quoi suis-je utile? Où vais-je? Qu'est-ce que je veux? Quelle est ma place exacte finalement?

C'est bien une question de sens, de direction. Et déjà, la simple remise en question de l'orientation remue les blocages et impulse à nouveau du dynamisme et du mouvement. Et c'est déjà un premier élan. A soutenir. A valoriser. A accompagner.


Et puis il y a ces moments où l'on a l'impression de savoir. On se dit "je sais mais ça ne change rien".

C'est une impression que je connais bien pour l'avoir vécue moi-même, conscientisée et pour l'avoir entendue et écoutée longuement. Et je la trouve si légitime! Dans une société où on nous demande d'apprendre et de savoir, d'observer et de reproduire, de faire et puis de dire : on s'arrête rarement pour sentir...


Il y a peu un ami me montrait comment on pouvait placer d'un côté le "Savoir-dire-faire" et de l'autre le "Sentir-connecter-créer". Et figurez-vous que ces triades se trouvent l'une et l'autre dans chaque partie du cerveau! L'une à gauche, l'autre à droite. Et c'est bien de la connexion entre ces deux hémisphères que naît une chimie équilibrée et productive de sens.


Donc là où on s'immobilise: agir. Là où on sait: appliquer, expérimenter. Là où on sent: comprendre et verbaliser.

Et changer, oui changer. Nous avons cette aptitude à passer de l'habitude à l'happytude. Juré.

Le tout c'est de mettre le premier pas sur le chemin.








Qui es-tu? - Colette Trublet


C'était par un beau soir d'été plein d'odeurs de fruits mûrs. La lune déjà haute dans le ciel découpait en habits noirs les silhouettes des grands arbres, sentinelles immobiles au milieu de la plaine.

Je me reposais des moiteurs du jour quand un chant doux comme le vent interrompit mes songes. Prêtant l'oreille à si étrange musique, je me levai pour découvrir de quelle gorge exquise pouvait provenir tant de douceur. Au détour d'un chemin, tapi au creux d'un arbre, un enfant me sourit. Vêtu de ce que je croyais un simple drap de couleur indéfinissable, il semblait m'attendre le regard plein d'étoiles. De ses lèvres rondes, d'étranges sons glissaient dans l'air léger comme un sourire. Il y avait tant de tendresse dans l'harmonie de ces quelques notes que le ciel en semblait éclairé.

Surprise de le trouver là, si fragile au coeur de la nuit, décontenancée par cet enfant au regard si doux, si insistant qui me perçait le coeur, je ne pus que bredouiller quelques paroles stupides, dénuées d'intérêt, je m'en rends compte à présent :

- Qui-es-tu ?... - Comment t'appelles-tu ?... - Que fais-tu là ?... - Où habites-tu ?...

À chacune de mes questions l'enfant répondait par un chant différent, ou plutôt par un murmure musical, comme l'eau d'un ruisseau quand elle court sur la mousse. Au début je pensais qu'il se moquait de moi et de mes questions d'adulte. Agacée je repris : - Mais enfin, qui es-tu ?

Comme si ma question était de la plus haute importance. Le chant reprit plus doux encore. Je m'apprêtais à retourner sur mes pas, trop lasse pour jouer aux devinettes avec un enfant muet, quand je ressentis une émotion bleu clair, tendre comme un ciel de printemps, balayer le flot de mes questions sans réponse. Stoppée net dans mon élan je lui dis : - Les émotions n'ont pas de couleur !

L'enfant me regarda longuement : - Tu n'écoutes pas..., ouvre ton coeur...

J'écarquillai les yeux, ses lèvres n'avaient pas remué, seules trois notes claires et hautes s'étaient échappées de sa bouche mi-close. Puis trois notes encore et tout mon être fut inondé d'une clarté rose pâle comme un coeur de fleur prêt à offrir ses senteurs. Alors je compris que c'était son langage, que des sons naissaient des couleurs qui elles-mêmes étaient émotions et d'un seul coup j'entrevis l'ironie de ce monde régi par des questions dont la réponse importe peu puisque personne n'écoute plus et où les mots sont devenus autant de barrières aux sentiments.

Soudain une note sombre, lugubre et lourde, couleur de sang figea l'air du soir. Et le monde, mon monde, m'apparut croulant sous le poids des chaînes qu'il s'était si industrieusement fabriquées. L'image était effarante : structuré, scellé, codifié, labellisé, désindividualisé, déshumanisé, il dormait dans les joies étroites de ses petits amours étriqués et fermés. La société, dont la suprématie en tout, s'installe par la peur qu'elle inspire. On parle d'elle comme d'une multinationale dont chaque cellule se doit d'être rentable. - Amour ? - Connais pas ! - Sentiments, tendresse ? - Connais pas !

Inutiles aussi le pardon, la compassion, la charité, la bonté, la beauté enfin tout ce qui donne à l'homme sa dignité. Or, c'est justement tout le cadeau que venait de me faire l'enfant. A cette pensée un tourbillon de couleurs m'envahit au gré des notes qu'il modulait si harmonieusement. L'enfant sourit de nouveau et j'eus l'impression d'entrer dans sa lumière...

Alors seulement il se leva et ce que j'avais pris pour un simple drap était en fait une étoffe mouvante aux reflets changeants, comme s'il était vêtu de milliers de papillons. Il glissa sa petite main dans la mienne et il y eut comme un souffle de paix dorée, couleur de soleil. Sa chaleur me gagna, me pénétra d'un amour absolu où "comprendre" n'avait plus de sens. Je sus alors que le temps était venu pour moi et que de mes larmes tombées à terre surgiront des champs d'espérance. Doucement il desserra ses doigts des miens et il y eut une étoile de plus dans son regard.

Puis, sur une longue note grave, il disparut au détour du chemin emportant son mystère.





Pour aller plus loin


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📖 LIRE - Charlie Mackesy, L'enfant, la taupe, le renard et le cheval, 2020, les Arènes Eds.




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